Journaliste, réalisatrice et présidente du Club de la presse de 2012 à 2016, Françoise Schöller est l’auteure du documentaire « Karim, à notre insu » qui raconte l’épanouissement d’un fils et le combat d’une mère, programmé sur France 3 Grand Est, le 17 février prochain.

 

 

Françoise Schöller, pendant plus d’un an, vous avez suivi, Karim, autiste trentenaire  et son immersion avec un collectif de jeunes artistes sur le tournage d’un long-métrage. A quel moment avez-vous décidé de réaliser ce documentaire ? Est-ce que Karim et Rita, sa maman ont tout de suite été d’accord ? 

C’est la lecture du livre de Rita Tataï « Moi Karim, je suis photographe »  qui a tout déclenché. Je ne connaissais alors ni Rita, ni Karim. J’ai été touchée par le combat invisible et souvent solitaire que cette maman  avait mené pendant des décennies pour son fils, avec lui, contre l’autisme. J’ai eu envie de l’aider. Nous avons beaucoup  parlé et, au cours de nos échanges, j’ai compris que ce qui manquait le plus à Karim, c’était de fréquenter des jeunes de son âge et de se faire des copains. Rita le savait aussi mais ne savait pas comment faire. Les moments offerts par-ci par-là par ses amis à elle ne suffisaient pas pour casser l’enfermement dans lequel Karim était reclus, le tirer de sa violence et le sortir de sa dépendance totale avec sa mère. J’en ai parlé à mes fils et à certains de leurs copains et je leur ai proposé ainsi qu’à Rita de tenter une démarche ouverte, progressive et expérimentale, sans savoir où elle nous conduira. Rita a été tout de suite d’accord de tenter l’expérience. Les jeunes ont suivi.

 

Comment avez-vous convaincu Keren Production de vous suivre sur ce projet « sensible » ?  

Le courant est passé assez vite. Le producteur, Samuel Moutel était très à l’écoute. Je lui ai demandé après ce qui l’avait convaincu. Voici sa réponse: « La ligne éditoriale de Keren production est depuis sa création tournée vers des sujets sociaux et des histoires humaines fortes. Ce film sur Karim combine ces deux axes fondamentaux. La singularité et l’exemplarité de cette histoire nous a convaincu que le film devait exister. Mais ce qui a été absolument déterminant dans notre engagement, c’était le lien de confiance extrêmement fort qui liait Françoise à Karim et Rita, sa mère. Ce lien est fondamental lorsque l’on s’engage à filmer le réel « .

 

Votre documentaire offre un autre regard sur l’autisme, trop peu exploré, selon vous, dans les médias ? 

Comment aménager un espace pour sortir de l’exclusion sociétale sans rien créer d’artificiel, sans être ni démonstratif ni dogmatique ? Cette question sous-tend tout mon projet depuis le début. Elle a éclos de manière spectaculaire lorsqu’est arrivée la surprise d’emmener Karim sur un tournage de film de fiction en Normandie qui allait réunir une bande de trentenaires. En me lançant dans cette aventure, je ne savais rien de son issue mais pour moi, le pari du documentaire était précisément cette absence de garantie de réussite. On s’aperçoit que lorsque la volonté y est, c’est assez simple d’accueillir la différence. On s’aperçoit que plutôt qu’un handicap, l’autisme est davantage une autre manière d’être au monde. Les lignes commencent à bouger tant dans les media que dans les institutions. D’autres voies que l’enfermement se dessinent.

 

Ce documentaire raconte l’histoire d’une immersion, celle de Karim, mais aussi d’une ouverture, celle des jeunes qui l’accueillent dans leur groupe. Avez-vous rapidement perçu cette émulation ? 

Tout à fait. Très vite, ils ont compris qu’il n’y avait rien à faire de particulier si ce n’est être bienveillant et à l’écoute  pour rassurer Karim si l’angoisse montait. Le succès de cette aventure est dû je crois au fait que tous ont traité Karim comme un des leurs et ne l’ont pas ménagé plus qu’un autre. Puis, il faut dire que Karim est très attachant et blagueur. C’est souvent lui qui détendait l’atmosphère lorsqu’il y avait des tensions.

 

Comment vivra ce documentaire après sa diffusion sur France 3 ?

Nous espérons que le film sera tout d’abord repris par d’autres antennes du réseau de France 3 Régions ainsi que par d’autres diffuseurs français et francophones. En parallèle, le film devrait participer à des festivals en France et à l’étranger. Enfin, et c’est le principal, il nous semble important que les  très nombreuses associations qui œuvrent dans l’accompagnement des familles touchées par l’autisme puissent s’emparer du film. L’idée serait de pouvoir faire circuler le film via ces associations en organisant des projections-débat, accompagnées par Rita et/ou moi.

 

« Aujourd’hui, j’ai moins peur » a confié Rita, la maman de Karim à la journaliste Véronique Leblanc*. Ce bel hommage fait honneur à la décision de Françoise Schöller, qui en 2014, s’est lancée dans la réalisation et l’écriture de documentaires. Pour non seulement raconter des histoires, mais aussi faire des choses qui aient du sens et génèrent de l’action qui changent la donne. *Or Norme Décembre 2021

 

 

Le documentaire « Karim, à notre insu » sera diffusé sur France 3 Grand Est le jeudi 17 février
Avant-première le lundi 31 janvier à 18h45 au cinéma L’Odyssée à Strasbourg. S’inscrire

 

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