Saisons terminées, festivals d’été annulés, parutions reportées, expositions fermées, salles de cinéma livrées aux fantômes. Le monde de la culture prend le bouillon et les annonces visant à soutenir un pan de l’économie déjà vacillant montrent une fébrilité grande, si ce n’est un flou peu artistique. Franck Riester a, par exemple, évoqué jeudi 16 avril la possibilité pour de « petits festivals » de se tenir à partir du 11 mai, introduisant une notion juridiquement vague et entrant en contradiction avec les propos d’Emmanuel Macron quelques jours plus tôt. Dans la confusion générale, c’est tout un secteur d’activité qui voit son avenir s’écrire en pointillés : pour ceux qui croiraient qu’il s’agit d’un aimable divertissement, PRODISS, syndicat national du spectacle musical et de variété, rappelle que, dans le domaine qu’il couvre, les festivals d’été génèrent environ 5 milliards de chiffre d’affaires, mobilisant 135 000 emplois. Déjà précarisés, nombre d’intermittents se demandent si un futur est possible, d’autant que personne ne sait quand tout redémarrera, certains évoquant, en Allemagne, un arrêt de… 18 mois !
Ce tableau d’un noir intense est pourtant piqueté de quelques points lumineux, puisque les institutions culturelles redoublent d’inventivité face à la crise, imaginant des solutions alternatives. Ainsi le TNS avec le #TNSChezVous (proposant notamment une géniale lecture de Marguerite Duras par Julien Gosselin), ainsi l’OPS dont les musiciens en télétravail donnent un extrait de Carmen en split screen, ainsi la Fondation Fernet-Branca organisant des visites virtuelles d’ateliers d’artistes… On pourrait multiplier les exemples par cent, donnant des pistes pour l’avenir de la relation au digital desdites institutions et ne négligeant pas les initiatives individuelles des artistes qui, souvent, font feu de tout bois (big up Anne-Sophie Tschiegg, Pascal H Poirot, Pierre Fraenkel, Rodolphe Burger et bien d’autres). Il s’agit de “garder le contact” dans cet espace de temps suspendu du grand confinement où chacun s’occupe à retrouver le temps, voire à reconquérir l’ennui. Las, ce ne sont que des pis-aller, sympathiques certes, mais pis-aller avant tout, car rien ne remplace l’expérience in vivo, cette « beauté de la foule » que décrit Stanislas Nordey, car une pièce de théâtre à huis clos est aussi absurde qu’un Tour de France sans spectateurs.
HERVÉ LÉVY
RÉDACTEUR EN CHEF DU MAGAZINE POLY
(dont la parution est suspendue jusqu’à l’arrivée des jours meilleurs)
herve.levy@poly.fr
©Maxime Stange