Il y a un an, devant le monde entier incrédule, la Russie engageait une guerre contre l’Ukraine. L’armée russe espérait faire tomber rapidement le gouvernement ukrainien et être reçue avec des fleurs à Kiev par ses habitants qui n’auraient attendu que cela.

Quelques jours après, la Cour suprême de Russie confirmait la dissolution de l’association Memorial, prononcée le 31 décembre 2021. La suppression annoncée de cette ONG qui lutte depuis trente ans pour révéler les crimes du stalinisme, condamner les violences politiques commises durant toute la période soviétique et défendre les droits humains dans la Russie postsoviétique, avait conduit à un engagement rare des Européens unis pour défendre ce qui constituait à leurs yeux – mais aussi aux yeux des milliers de Russes dont les voix sont aujourd’hui étouffées – une expression forte de l’espoir, né durant la perestroïka, de bâtir un avenir démocratique à partir d’une remise en question audacieuse des mythes historiques, des mensonges et des silences entretenus des décennies durant.

Il ne s’agissait bien entendu pas d’une coïncidence, la réécriture de l’histoire étant placée au cœur du discours poutinien qui mobilise la société au nom d’un passé déformé, tissé de ces mêmes mensonges et de ces mêmes mythes soviétiques qui, débarrassés de toute prétention marxiste et internationaliste, se présentent désormais dans une version impérialiste et nationaliste parfaitement assumée. Faire taire les voix qui résistent à cette réécriture est devenu alors pour les autorités russes, tout aussi crucial que d’écraser ceux qui s’opposent à la guerre.

L’association Memorial-France, qui travaille avec l’organisation russe dissoute mais bien vivante, a publié la déclaration faite par cette dernière à un an de la guerre, pour dénoncer les violences et les crimes commis par les troupes russes et dire son espoir de voir un tribunal international juger ces crimes[1]. Elle publie aussi, sur son site, des « Voix de la guerre », témoignages poignants de femmes et d’hommes ukrainiens sur leur vécu[2]. Elle offre à lire une « Chronique de la Russie qui proteste » qui rend compte de l’action de ces Russes ordinaires qui, contre vents et marées, expriment leur rejet de l’agression[3]. Tout cela montre qu’ici, comme là-bas, le combat continu pour dénoncer un régime qui détruit, avec violence et cynisme, tout ce qui avait été construit pour rendre possible une Europe de paix et garantir aux peuples le choix de poursuivre leurs propres chemins, en se dégageant de la dernière domination impériale sur le sol européen.

Emilia Koustova
Historienne, maîtresse de conférences en civilisation russe (Université de Strasbourg)
Membre du Conseil d’administration de Memorial-France
koustova@unistra.fr

[1] « Un an après l’invasion de l’Ukraine. Un bilan », Déclaration du Conseil d’Administration de Memorial International, 24 février 2023 https://memorial-france.org/un-an-apres-linvasion-de-lukraine-un-bilan/

[2] https://memorial-france.org/category/dossiers/voix-de-guerre/

[3] https://memorial-france.org/category/dossiers/chroniques-de-la-russie-qui-proteste/

 

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