C’est au café du Parlement européen dans le bâtiment Winston Churchill, que nous rencontrons François Gabriel

Strasbourg

Né à Obernai (France), François Gabriel considère Strasbourg comme sa ville natale, celle de ses études, de son épanouissement personnel et professionnel. C’est en quittant Strasbourg qu’il a pris la mesure de ses atouts, avant d’y revenir « comme l’on revient vers une vieille amie ». Il y consacre désormais 80% de son temps en tant que représentant du Secrétaire général du Parlement européen à Strasbourg.

 

– Au début de sa carrière, François Gabriel travaille aux cabinets de Robert Grossmann et Fabienne Keller alors président de la communauté urbaine et maire de Strasbourg (2001 – 2008), puis de Joseph Daul, président du groupe PPE au Parlement européen jusqu’en 2014. Il rejoint ensuite le cabinet de la présidence de l’institution avec Antonio Tajani (2017-2019) puis passe au cabinet du secrétaire général. Entre 2022 et 2024, il est de retour au cabinet de la présidence avec Roberta Metsola –

« Au cœur de l’Europe »

Sa feuille de route est ambitieuse : faire de Strasbourg un véritable cœur battant de la vie parlementaire européenne. Quatre axes la structurent :

  1. Renforcer considérablement les effectifs à Strasbourg, à partir d’une base d’environ 300 personnes.
  2. Faire vivre Strasbourg au quotidien, avec des activités soutenues hors des sessions parlementaires
  3. Tisser des liens durables avec les institutions locales, notamment universitaires, culturelles et médiatiques, pour ancrer davantage le Parlement dans le tissu strasbourgeois.
  4. Optimiser la coordination administrative, en favorisant la transversalité entre les services

François Gabriel a aussi porté le projet du bâtiment Osmos, baptisé Simone-Veil, et qui accueillera sur 15000 m² supplémentaires les activités du Parlement.

Strasbourg, mémoire de guerre et la paix comme avenir

Strasbourg, ville frontière, est aussi une ville de paix. L’année 2022 devait être celle des 70 ans du Parlement européen, elle fut aussi celle de l’invasion russe en Ukraine. La ville a été redécouverte : terre d’histoire, terre de démocratie, terre de débat et lieu unique d’émancipation vis-à-vis du religieux.
« La paix et la démocratie ont été prises pour acquises. En temps de crise, on a besoin de Strasbourg », affirme François Gabriel, soulignant l’importance de la ville dans la construction européenne.

L’Europe un cheminement identitaire vécu

Son sentiment d’appartenance européenne s’est forgé dès l’adolescence. Lors du référendum sur le traité de Maastricht en 1992, il s’était d’abord opposé au traité (suivant Philippe Séguin), avant qu’une discussion avec ses grands-parents ne le fasse changer de perspective : « Mes grands-parents m’ont expliqué ce que l’Europe avait fait pour eux. Ils se sentaient plus européens que français ou alsaciens. » L’histoire de l’Alsace forge une conscience européenne précoce : la paix, acquise par l’Europe, est précieuse.
L’ouverture des frontières, la monnaie unique : autant d’étapes fondatrices de son appartenance européenne.

Une double… voire triple localisation complexe mais assumée

Strasbourg, Bruxelles, Luxembourg : la réalité pour les serviteurs des européens est celle d’une tri-localisation. Une complexité organisationnelle, certes, mais que la technologie, et notamment l’expérience de la pandémie, a permis d’atténuer. Le télétravail a été un révélateur autant qu’un accélérateur.

Lieu de puissance politique et d’affinités stratégiques

Une fois par mois, les députés européens se retrouvent à Strasbourg. Et avec eux, le collège des commissaires de la Commission européenne. Loin de Bruxelles, moins nombreux, le rapport de force s’inverse, la voix des citoyens prime dans l’hémicycle.

C’est aussi dans ces moments que naissent les grandes idées : clubs informels de députés (club du Crocodile, club du Kangourou), afterworks politiques où se dessinent les contours de l’avenir européen
Même le terme “Parlement européen” y a été pensé, jugé plus fort que “Assemblée parlementaire”.

Face aux défis, la réactivité et la clarté

Interrogé sur la réactivité des institutions, notamment lors de l’invasion de l’Ukraine, il défend l’action du Parlement européen : « Le lendemain de l’invasion, nous avons invité Zelensky à s’exprimer en direct. » Sur les Balkans, il est lucide : pas de promesses en l’air. Il faut agir concrètement (investissements, suppression des frais d’itinérance, politiques de transport).

La Russie et la Chine sont présentes, avec des logiques de prédation. L’Europe doit répondre par l’exemplarité.

En revanche, il pointe la mollesse de la réaction face à la guerre commerciale menée par Trump : “On est dans un monde de prédation. Si on ne montre pas notre force, on ne nous respecte pas.”
Quant à l’élargissement, loin de diluer l’identité européenne, elle l’enrichit.

Frontières, migration et sécurité

Pour François Gabriel, Schengen a été conçu en période de prospérité, mais les défis actuels exigent une protection efficace des frontières extérieures. Il plaide pour une approche humaniste mais sans naïveté, renforcer la coopération entre services de renseignement et police.

La désinformation, un danger sous-estimé

Face aux rumeurs, notamment celle dont il a été la cible, en 2023 et qui le présentait comme directeur d’un institut de recherche agricole, il alerte : les réseaux sociaux exigent 5 infos positives pour contrer une fausse. Il milite pour un renforcement des mécanismes de vérification, notamment face à l’usage massif de Facebook et X par des publics sensibles.
Le règlement sur les services numériques (DSA) voté en 2024 et qui encadre les activités des plateformes, en particulier celles des GAFAM est un outil puissant.

L’intelligence artificielle, un enjeu saisi par le Parlement

L’IA n’échappe pas au radar du Parlement : les débats sont vifs. Même sans pouvoir d’initiative, le Parlement agit comme caisse de résonance. Les sujets montent en puissance et s’imposent dans l’agenda législatif. Des stratégies industrielles européennes (Perplexity, Mistral) sont évoquées comme clés pour l’autonomie technologique.

 

« Si il était… »

Un mot : liberté

Une région : l’Alsace

Une figure historique : Winston Churchill, pour son discours à Strasbourg, symbole d’un engagement européen concret

Une musique : l’hymne européen, Ode à la joie

Une cause à défendre : la liberté

À l’image de Strasbourg, François Gabriel souhaite incarner une Europe vivante et tournée vers l’avenir, convaincue que la force de l’Union réside dans sa capacité à conjuguer histoire, diversité et ambition collective.

Merci François Gabriel, d’avoir partagé avec pragmatisme et détermination votre engagement européen, et de « faire les choses pour les citoyens, sans s’arrêter à des futilités telle que la provenance des idées », à la manière d’un Churchill moderne.

 

Co-rédaction AW et Lucie Mauguin

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