Travailler dans la matrice d’une école de journalisme nationale offre un observatoire privilégié du coeur battant de la profession. Au Cuej, à Strasbourg, des profs de toutes les rédactions de France affluent chaque semaine pour transmettre leur métier, sans compter le lien avec des centaines d’anciens et d’anciennes.

Pas besoin de l’ausculter longtemps, ce coeur battant, pour percevoir, derrière la passion qui pulse toujours, des picotements, des tiraillements, quand ce ne sont pas carrément de vives embardées. Dans le service public de l’audiovisuel menacé, dans les médias indépendants désargentés, dans les nationaux et régionaux fragilisés, l’inquiétude s’est immiscée.

Au moment où la société en a le plus besoin, comment produire une information vérifiée avec honnêteté, alors que les milliardaires étendent leurs empires avec de tout autres intentions ? Comment faire vivre la charte de Munich dans ce temps orwellien, où les faits ressemblent à des opinions, où la désinformation rapporte plus que la vérité et où le brassard de presse désormais tue ?

Au lieu de multiplier les pressions, les pouvoirs publics ne devraient-ils pas protéger la liberté de la presse comme un bien commun ? C’est le sens d’un appel international lancé le 22 septembre par une dizaine d’économistes de renom*, contre un « risque d’effondrement du journalisme d’intérêt public ». Sans informations fiables, impossible de relever les défis économiques, sociaux et environnementaux les plus urgents de notre époque, alertent ces femmes et ces hommes. Leurs requêtes : financer l’info de qualité, taxer les plateformes, réguler l’IA, traquer les ingérences.

L’inquiétude appelle à résister ; à chacun et chacune de trouver une façon de le faire à sa portée. De son côté, le Cuej défend les fondements de la profession en conjuguant enseignement exigeant et service public. Une mission dont le contexte ne cesse de renforcer le sens.

*Le Monde, « La crise mondiale de l’information représente une grave menace pour la prospérité économique et le progrès humain », tribune du 22 septembre 2025

Charlotte Dorn
Directrice adjointe
Centre universitaire d’enseignement du journalisme – CUEJ – Strasbourg
charlotte.dorn@cuej.unistra.fr

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