Après une décennie, il va falloir oublier le flamboyant et bilingue Justin Trudeau pour incarner le Canada. Les Canadiens ont tourné cette page et choisi Mark Carney, un économiste classique, peu connu, un peu austère et au français plus laborieux.

Un portrait bien différent de son prédécesseur et surtout du menaçant voisin en colère au sud de la frontière, omniprésent dans cette campagne.

Ce résultat relève d’un petit miracle pour les Libéraux, le camp de Justin Trudeau qui finalement ne part pas en laissant un parti en miettes, comme cela était promis depuis des mois.

Ce scénario improbable vient d’une spectaculaire remobilisation d’électeurs lassés de Trudeau, mais qui se sont dits qu’ils n’étaient pas prêts à laisser le pays à un Premier ministre un peu plus proche des thèses trumpistes. Et cinq jours plus tard, l’Australie a répété un scénario similaire. Il y a un côté rassurant pour nous journalistes de voir que « du jamais vu » peut encore se produire et que nous travaillons dessus.

Pourtant à y regarder de plus près, les deux candidats canadiens promettaient un cocktail pas si éloigné de celui du président américain : de nouvelles dépenses (militaires et pour atténuer les dégâts des droits de douane), moins d’impôts, tout en promettant que les comptes du pays vont s’améliorer d’ici quelques années. Un remède toujours séduisant, qui rappelle aussi un peu celui proposé en France ces dernières années.

Une recette toujours séduisante car elle entretient l’idée que la situation est passagère, et qu’une fois réglée, il n’y aura plus de nouveaux défis et tout ira pour le mieux.

“Pas de crise, pas de Carney” a dit le candidat, qui s’est présenté en spécialiste des crises qui saura amadouer Donald Trump. On lui souhaite, mais entre les feux de forêt qui détruisent chaque année des villages, les guerres à travers le monde et une explosion des bénéficiaires aux banques alimentaires, le Canada ne manquera pas de crise à affronter, même si le voisin est calmé.

Jean-François Gérard
Journaliste correspondant basé à Toronto (ex Rue89 Strasbourg)
Libération, Ouest France, Radio Canada
jfgerard67@gmail.com

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