On ne le répétera jamais assez : pigiste n’est pas un métier. C’est un mode de rémunération. Être pigiste, c’est être journaliste au même titre que celles et ceux qui travaillent en rédaction. Avec les mêmes droits. Seule différence : la rémunération à la tâche – article, reportage TV ou sonore.

Aujourd’hui, pourtant, la pige n’a pas toujours bonne presse. Elle est encore trop souvent réduite à une position d’attente pour jeunes journalistes sortis d’écoles. Une façon d’entrer dans un titre par la petite porte avant d’obtenir un CDD et qui sait, peut-être un jour, un CDI.

Cette méconnaissance de la pige et de son exercice tend à invisibiliser un certain nombre de dysfonctionnements tels que les retards de paiements – imaginerait-on payer sa baguette plusieurs mois après l’avoir mangée ? – la rémunération en droits d’auteurs ou sur facture quand elle devrait être en salaire pour respecter la loi Cressard et les tarifs outrageusement bas – en deçà du smic horaire parfois – que les syndicats peinent à faire revaloriser.

Car si la pige n’est qu’une posture d’attente, ses difficultés sont dès lors perçues comme temporaires et non structurelles. Un mal nécessaire avant de pouvoir accéder à de meilleures conditions de travail. Quid de celles et ceux qui exercent à la pige par choix ?

En 2018, la CCIJP (Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels) dénombrait 7 833 journalistes pigistes en France. Soit un peu plus de 22 % des 35 297 cartes de presse délivrées cette année-là. Un chiffre probablement sous-évalué : beaucoup de pigistes ne demandent pas la carte de presse, faute de pouvoir présenter des fiches de salaire leur permettant de justifier de revenus provenant à plus de 50% du journalisme.

Avec près d’un journaliste sur quatre exerçant à la pige en France et la force que constituent leurs propositions pour le paysage médiatique national, peut-on encore considérer cette pratique comme une position négligeable ? Une pratique anecdotique dans le journalisme ? Peut-on encore détourner pudiquement le regard devant les difficultés rencontrées par les pigistes ? Et, au sein des titres, les considérer comme quantité négligeable ?

Adrien Labit et Anne Mellier
Pigistes – Coordinateurs des Apéros Pigistes Strasbourg
aperos.pigistes.strasbourg@gmail.com

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