L’année 2023 s’annonce comme une année de combat pour le droit des femmes. Cela est vrai de manière évidente au niveau international.

Le 14 janvier 2023, Mursal Nabizada a été abattue à son domicile de Kaboul. C’était une ancienne députée afghane. Ce féminicide, comme expression concrète de la disparition des femmes, s’accompagne aussi de la disparition des femmes et des filles de tous les espaces publics. En effet, après avoir été privé d’enseignement secondaire, les femmes ne peuvent plus aller à l’Université depuis décembre 2022. Et pourtant l’éducation est l’outil fondamental pour espérer une société égalitaire.

Au niveau national, l’illusion de l’égalité entre les femmes et les hommes a rencontré, avec la parution du 5e rapport sur l’état du sexisme en France du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, un sérieux revers. Notre société est bien sexiste! Et les jeunes générations ne sont pas épargnées. Quelques chiffres illustrent ce constat. Les femmes ne représentent que 36% du temps de parole dans les médias, 41% des jeunes femmes déclarent avoir vécu des situations inégalitaires à l’école ou durant leurs études, 33% des femmes ont vécu une « situation de non-consentement », 23% des jeunes hommes considèrent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter, 9 femmes sur 10 adoptent des « conduites d’évitement » pour éviter des actes sexistes.

C’est dans ce contexte inégalitaire en défaveur des femmes que le CIDFF du Bas-Rhin développe une ambition féministe de changement social. Cette ambition s’inscrit dans notre quotidien lorsqu’il s’agit d’accompagner les femmes dans une démarche d’autonomie ou d’émancipation. Nous savons que notre travail n’est qu’une aide individualisée qui prend corps dans un contexte dans lequel notre marge de manœuvre, en tant que professionnel.le, est très faible. Comment faire alors pour penser que notre travail a toujours un sens lorsque nous recevons une personne qui vient nous voir pour un logement car sa demande de réfugiée a été refusée et qu’elle sera mis hors du CADA avec son garçon à la fin du mois et que nous n’avons aucune solution à lui proposer ? Comment penser que notre travail a toujours un sens lorsqu’une femme dans un parcours d’insertion professionnelle subit tous les jours les menaces de son conjoint de la « renvoyer dans son pays » ? Et il est vrai que comme le titre de séjour de cette femme est lié à la vie commune, cet homme a ce réel pouvoir entre ses mains ! Comment penser que notre travail a toujours un sens lorsqu’on sait que les victimes de violences sexistes et sexuelles sont toujours accueillies de manière inacceptable par certain.e.s représentant.e.s des forces de l’ordre ?

Oui, le sens de notre accompagnement dans un tel contexte peut poser question mais il peut se trouver dans la prise de temps pour écouter ces personnes, essayer de créer des solutions individuelles pour chacune, mobiliser le partenariat.

Dans un contexte institutionnel qui quelquefois n’empêche pas les inégalités et quelquefois les crée, nos accompagnements ne permettront pas l’avènement du « grand soir » mais ils ouvriront certainement l’espace des possibles pour ces femmes accompagnées.

Dans le Guépard, Tomasi de Lampedusa fait dire à un de ses personnages : « Il faut que tout change pour que rien ne change ». Il est vrai qu’aujourd’hui, notre monde en pleine transformation sociale fait écran à la résistance du système de genre qui permet la persistance encore aujourd’hui des inégalités femme-homme dans notre société. Ainsi, la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est toujours d’actualité.

Le livre « Sambre » d’Alice Géraud, présenté dans le cadre du Temps des féminismes*, est aussi une belle alerte sur les dysfonctionnements structurels dans l’accompagnement des victimes de violences sexuelles. Sa lecture met en colère mais elle nous invite aussi à réagir.

L’année 2023 ne sera donc pas une année de repos mais encore une fois une année de lutte pour le droit des femmes.

 

Anna Matteoli
Directrice – CIDFF Bas-Rhin
amatteoli@cidff67.fr

*Le temps des féminismes du 17 au 19 mars à l’Aubette.
30 autrices et auteurs débattent du féminisme. Entrée libre. Bibliothèques idéales

 

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