20 ANS APRÈS

Découvrez les souvenirs marquants du 11 septembre 2001, ces instants de vie, que les membres du Club ont bien voulu partager.

Merci à Françoise Erb, Lucile Erb, Marc Gruber, Nathalie Stey

N’hésitez pas à nous envoyer le votre info@club-presse-strasbourg.com

 

 

FRANÇOISE ERB, FRANCE 3

« J’étais dans mon bureau à France 3 Lorraine assurant ce jour-là la rédaction en chef du journal du soir. Je me trouvais devant mon ordinateur en début d’après-midi et je me souviens avoir vu tomber sur l’AFP la courte dépêche annonçant qu’un avion était entré dans une des tours du World Trade Center. Dans ma tête, il s’agissait d’un petit appareil et je m’étonnais qu’un tel accident soit possible.

 

Puis quelques minutes plus tard, j’ai compris qu’il y avait quelque chose de plus grave et j’ai allumé la télé. Et prévenu mes proches.  J’ai vécu cette tragédie en direct toute l’après-midi, avec mes collègues. Ressentant un mélange de sidération (je connaissais bien ces tours sur lesquelles j’étais allée à plusieurs reprises y compris pour y faire des tournages), d’effroi et de tristesse.

 

Lorsqu’on a appris qu’un quatrième avion s’était écrasé en Pennsylvanie, j’ai cherché à joindre des membres de ma famille vivant à Pittsburgh mais les lignes téléphoniques vers les Etats-Unis étaient toutes saturées. J’étais inquiète.

 

Il fallait penser aussi à l’édition du soir.

Dans notre journal régional dont le contenu paraissait si dérisoire par rapport à cette tragédie, nous avons démarré par un long sommaire en images résumant toutes les attaques. Puis nous avons diffusé un reportage sur une Lorraine dont la fille travaillait dans le secteur du World Trade Center et qui  heureusement avait eu des nouvelles.  Le sujet avec des témoignages d’étudiants dans une école américaine à Metz n’a, lui, pas pu être terminé à temps…

 

Je ne me souviens de rien d’autre de ce journal du 11 septembre 2001. »

 

LUCILE ERB, SIEL BLEU

« Septembre 2001, une rentrée peu habituelle pour les élèves de la classe de Terminale Littéraire du Gymnase Jean Sturm de Strasbourg, dont je fais partie. Nous commençons cette année scolaire par un séjour linguistique aux Etats-Unis. Les correspondants américains habitent dans le Connecticut, mais il est prévu de visiter New York, à deux heures de là : Time Square, le Chrysler Building, Central Park, démonstration d’hélicoptères au sommet du World Trade Center… Nous partons avec des étoiles dans la tête !

 

11 Septembre 2001, une belle journée ensoleillée. Aujourd’hui, nous allons en cours à la Morgan School avec les correspondants américains. Mais dans la matinée, il se passe quelque chose. Tous les Fançais sont rassemblés dans une pièce du lycée. Nous ne comprenons rien. Il y a un grand écran avec des images qui tournent en boucle. On se croirait au cinéma. Un avion fonce dans une tour. Notre niveau d’anglais ne nous permet pas de comprendre. Pourquoi nous montrer ça ? Est-ce une fiction ? Un film… à l’américaine ? Voilà de longues minutes que les mêmes images défilent. Les mêmes ? Non, pas les mêmes, c’est bien un deuxième avion que je vois foncer dans la tour.

 

Les professeurs nous informent : les Etats-Unis ont été attaqués par des terroristes. La Morgan School nous propose de téléphoner à nos parents. Eux aussi qui, de l’autre côté de l’Atlantique, ont appris la nouvelle au sortir du travail, viennent de vivre de longues minutes d’angoisse.

 

Une semaine plus tard, nous allons finalement à New York : une ambiance particulière, des portraits de disparus accrochés sur les murs, sur les lampadaires, une atmosphère grise, le silence… Dans le train, nous croisons des pompiers du Connecticut qui iront apporter leur aide dans la capitale. Quelques jours après, nous repartons pour la France. Nous apercevons un avion en feu à l’aéroport JFK. Peut-être un hasard. L’échange de retour n’aura pas lieu, nos correspondants ne viendront jamais chez nous. »

 

MARC GRUBER, MEDIA ET EUROPE

« Mardi 11 Septembre 2001. Comme souvent l’après-midi, je grignotais vaguement une tablette de Côte d’Or en travaillant dans mon bureau, à Bruxelles, dans les locaux de la Fédération internationale des journalistes (FIJ), où je venais de commencer mon premier « vrai job » de chargé de communication.

 

Soudain une collègue hyperconnectée s’écria qu’un « avion s’était écrasé à New-York ». Nous étions habitués aux réactions épidermiques de cette collègue chargée des questions de sécurité des médias en zone de conflits, mais cette fois il s’agissait d’autre chose : un avion, a big one, not a bloody Cessna, se serait écrasé dans une tour de Manhattan. La FIJ venait d’emménager dans le tout nouveau Centre de Presse International inauguré à l’occasion de la Présidence belge de l’Union européenne de 2001 et de plus en plus de correspondants étrangers présents dans le bâtiment commencèrent eux aussi à recevoir des alertes.

 

Personne ne prononçait encore le mot d’attentat mais l’un après l’autre nous descendimes en salle de presse où Euronews (ou était-ce CNN?) avait été projeté pour l’occasion sur un écran géant. Oui, un Boeing 767 s’était bien écrasé dans une des tours du World Trade Center. Les images passaient en boucle, irréelles. Puis le second avion s’approcha et s’engouffra lui aussi dans la tour jumelle, comme avalé par le béton et le verre. Cette fois les mots attentat et terrorisme commençaient à circuler, très vite suivis du mot islamistes. Moins d’une heure plus tard, les deux tours s’effondrèrent. L’excitation et les cris cessèrent pour laisser place à un long moment de silence, d’hébétude et de déni. Non ! fut le mot prononcé dans toutes les langues. Par le plus grand des hasards j’avais passé quelques jours de vacances à New-York en mars 2001 et j’étais monté au sommet d’une de ces tours, qui paraissaient aussi massives que des montagnes au milieu de la canopée urbaine. Les voir s’écraser comme des Lego me fit douter encore plus de la réalité de la scène. Puis vinrent les informations d’un autre avion, écrasé sur le Pentagone.

 

Déjà les Networks américains s’affolaient : s’agissait-il d’une war? Oui, mais contre qui ? Immédiatement Georges W. Bush parla de « pourchasser les terroristes » et à Bruxelles l’espace aérien fut fermé en raison de la présence de « centre de décisions politiques sensibles ». Ma compagne était en déplacement en train ce jour-là sans accès internet. Je l’appelai pour lui dire que « quelque chose de grave était arrivé », en essayant tant bien que mal de lui expliquer le peu que je savais moi-même, et la prévenant aussi que l’atmosphère risquait d’être « bizarre » à son retour en ville. J’eus peur. Je ne l’ai réalisé que plus tard, mais oui, au moment précis de verbaliser ce qui se passait, j’ai pris peur. Une peur spontanée des terroristes bien sûr, mais aussi une peur plus raisonnée des américains eux-mêmes: quelle serait leur réponse? Quelle serait la suite? Les journalistes quittèrent le centre de presse du quartier européen pour rejoindre un lieu autrement plus important ce jour-là: le siège de l’OTAN à Bruxelles, où une conférence de presse devait exposer la réaction des alliés de Washington, puisque « une attaque contre un État membre doit être considérée comme une attaque contre tous les pays ». Mais il s’agit ici de l’Histoire.

 

Beaucoup plus prosaïquement, ma journée continua encore une fois devant un écran, celui de ma télévision où toutes les chaînes passaient les mêmes images en boucle. Le XXIè siècle a, paraît-il, commencé le 11 septembre 2001 ; il n’est donc pas étonnant que la journée fut déjà placée sous le signe de la (non)information en continu et des écrans omniprésents. »

 

NATHALIE STEY, JOURNALISTE

« Je me souviendrai toujours de ce 11 septembre 2001 où, en l’espace de quelques instants, l’insouciance a cédé la place à l’horreur.

 

Jeune rédactrice en chef d’un petit titre de presse pro, je préparais le numéro de rentrée avec la maquettiste. Nous avions l’habitude, toutes les deux, de déjeuner au boulot, assises sur la berge du quai des Alpes quand il fait beau, ou bien chacune à son bureau – nous n’avions pas de salle de réunion. Le café nous permettait de nous retrouver pour discuter de sujets non professionnels, avant de reprendre le travail. Une bulle de quelques instants, loin du boulot, loin des infos aussi.

 

À l’époque, nous n’étions pas sollicités à chaque instant par des notifications…. Mais ce jour-là, notre collègue est rentré plus tôt de sa pause déjeuner, blanc comme un linge. Chez lui, il avait vu les premières images des attentats. Je ne suis pas sûre qu’on ai sérieusement repris le boulot après ça. Le transport fluvial, l’activité dans tel ou tel port de mer, tout cela paraissait bien léger par rapport à ce qui venait de se produire. On avait tous hâte de se retrouver chez nous en fin d’après-midi, devant des images télévisées qui nous attiraient autant qu’elles nous horrifiaient.

 

Comment ne pas faire le parallèle avec les attentats perpétrés quelques années auparavant en France, notamment celui de la station St-Michel, qui me glaçait toujours le coeur lorsque mes déplacements m’amenaient à emprunter le RER B. »

 

© L’attaque contre les tours jumelles du World Trade Center, le 11 septembre 2001 — REX FEATURES/SIPA

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