Blanc un jour, noir le lendemain, l’un comme l’autre avec un aplomb confondant. Les correspondants en poste à Washington ont fort à faire pour couvrir Donald Trump et ses changements de pied, au point de devoir repenser des habitudes journalistiques bien ancrées.

L’AFP m’a envoyé en renfort de Strasbourg à la capitale américaine en avril afin d’épauler des collègues soumis à une actualité intense depuis l’arrivée du milliardaire républicain à la Maison Blanche le 20 janvier. Un mois d’avril dominé par le « Liberation Day » – l’annonce de droits de douane prohibitifs pour les principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis  – suivi une semaine plus tard par la suspension d’une grande partie de ces mesures.

Comment expliquer à nos lecteurs la logique derrière les décisions de l’homme le plus puissant de la planète, alors que la logique même en semble absente ? Voilà un défi pour des journalistes qui sont justement censés non seulement rapporter des propos mais aussi les expliquer, les mettre en perspective, les analyser. Un rôle d’ordinaire d’autant plus important pour l’AFP que la plupart de nos lecteurs se trouvent hors des Etats-Unis et nous lisent  dans d’autres langues que l’anglais : il faut traduire et expliquer le contexte politique américain.

Or Donald Trump a l’habitude des petites phrases dont on se demande si elles sont vraiment réfléchies ou si elles viennent juste de lui passer par la tête. Il en joue d’ailleurs, comme lorsqu’il a confié s’étonner lui-même d’avoir qualifié quelques jours plus tôt son homologue ukrainien de « dictateur non-élu » en tout début d’année.

Si nous suivons notre habitude d’expliquer les annonces présidentielles, ne risquons-nous pas de les faire passer pour plus réfléchies qu’elles ne le sont vraiment et leur donner une importance qu’elles n’ont pas ? Mes collègues en poste à Washington en sont réduits à écrire qu’ils n’en savent pas plus que le lecteur. « Le président n’a pas expliqué ce qu’il entendait par là », peut-on lire à l’occasion sous la plume de notre correspondante à la Maison Blanche, un brin découragée.

« Par là, j’entends pas grand chose », aurait persiflé Pierre Dac.

Patrick Baert
Directeur
AFP Strasbourg
patrick.baert@afp.com

X