Appel de la presse culturelle gratuite, repositionnement et lancement de S-MAGS, rapprochement avec Szenik, ce début d’année est riche en actualité pour BKN. Julien Schick, directeur, répond à nos questions.

Designer de formation, diplômé de l’école supérieure des Arts décoratif (HEAR) en 1999, Julien Schick est très investi dans le domaine de la culture (Stimultania, C’est dans la Vallée, Maison Européenne de l’Architecture). Il créé son premier média en 2001 Strasbourg-Culture, qui devient vite Info-Culture. En 2009 il rachète BKN, entreprise de communication, qui édite le magazine POLY, avant de reprendre SPECTACLES PUBLICATIONS en 2019.

 

En 2022, suite à la pandémie et aux restrictions budgétaires annoncées dans le secteur culturel, vous avez lancé L’appel de la presse culturelle gratuite. Une initiative relayée par vos pairs, visant à rappeler la nécessité de ces publications et demandant de les inclure dans les dispositifs de soutien ainsi que la création d’un fond d’intervention pour les éditeurs indépendants. Qu’en est-il aujourd’hui ? 
JS : Si l’appel relatif à la COVID a été entendu, celui concernant les baisses budgétaires est resté lettre morte. La culture est aujourd’hui trop souvent vue par les décideurs politiques comme une variable d’ajustement, voire une réponse somptuaire réservée à quelques élites : nous nous inscrivons bien évidemment complètement en faux. Bien au contraire, la culture à laquelle j’associe la presse écrite, sont nécessaires à tous les échelons de la société : elles sont non seulement l’un des garants de la démocratie, permettent toutes deux de développer son sens critique, mais aussi fondent des leviers importants de développement économique. Nous sommes très inquiets. Une des collectivités est même allée jusqu’à nous appeler pour nous signifier que nous ne pouvions pas nous permettre d’émettre ce genre d’appels, soulignant à demi-mots que de tels agissements critiques pouvaient devenir préjudiciables à ses engagements dans nos titres. Je trouve que c’est la réponse la plus imbécile qui soit, d’autant que nous avons tous besoin de desseins, de projets clairs, de doctrine définissant ce que notre pays souhaite, ce que nos régions et départements soutiennent, ce que nos villes ambitionnent pour leurs citoyens. Notre appel allait dans ce sens, dans celui d’une critique constructive pour se mettre autour d’une table et en concertation écrire une nouvelle page d’histoire au moment ou nous vivons tous une époque totalement disruptive.

 

Prévoyez-vous de relancer cette initiative ?
JS : Nous ne le savons pas, pour le moment nous essayons de nous concentrer sur notre propre survie en reprenant l’adage « Aide toi et le ciel t’aidera ». Nous nous joindrons évidemment aussi à toute initiative qui défendra nos valeurs, celles d’une vision universaliste, celles aussi d’une écriture professionnelle que l’on parle de Culture ou de presse. Nous n’avons rien contre les influenceurs ou les pratiques amateurs, mais chacun à sa place. Nous avons besoin d’artistes professionnels, de journalistes professionnels, mais aussi de salles de spectacle avec de réelles programmations qui commencent en septembre et finissent en juin, et malheureusement ce n’est plus le cas aujourd’hui. On nous vend l’idée que chacun peut faire aussi bien que ses pairs et que tout se vaut. Woody Allen avait raison avant l’avènement des réseaux sociaux !

 

Vous avez pris la direction de BKN en 2009, quelle est aujourd’hui l’offre de cette agence d’édition et de communication ? 
JS : Nous avons fait le choix d’arrêter de travailler avec certains annonceurs pour nous recentrer sur des domaines qui nous semblent plus intéressants, où il y a des échanges, justement rémunérés, qui sont en quelque sorte en circuits courts. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls, les prix pratiqués par certaines agences font penser qu’ils réalisent une partie de leurs créations dans des pays du tiers monde ! Nous ne souscrivons absolument pas à ce système, c’est d’ailleurs pour cela qu’il y a 15 ans nous avons créé avec d’autres confrères l’UCC, le syndicat des agences en matière de conseils et de communication du Grand Est auquel nous adhérons toujours. Aujourd’hui, nous développons de petits comptes, travaillons avec des structures qui ont le désir de communiquer à l’échelle du Rhin supérieur en français ou allemand, qui aiment se poser des questions et trouver auprès de nous des conseils que nous espérons avisés. Nous développons aussi des co-éditions comme nous l’avons fait avec la Nuée Bleue avec laquelle nous avons sortie un premier livre Balades pour se perdre Vosges qui est un petit succès de librairie. Nous espérons sortir un second opus pour lequel nous cherchons encore des partenaires, Balade pour se perdre, châteaux forts.

 

Vos publications (Poly et S-mags) sont diffusées en Alsace et dans les régions frontalières. 
JS : Avec POLY nous travaillons sur un périmètre bien plus large puisque nous valorisons l’actualité culturelle dans la Nord Est de la France, mais aussi au Luxembourg, un peu en Belgique, dans le Sud-Ouest de l’Allemagne et dans le Nord-Ouest de la Suisse. Cet ensemble réunit autour du Rhin et de ses affluents comme la Sarre ou la Moselle, mais aussi de la Saône, du Doubs et de la LoueConcernant SPECTACLES / S-MAGS, au travers de quatre éditions mensuelles (Alsace, Bourgogne-Franche-Comté, Lorraine Sud et Lorraine Nord/Luxembourg) nous travaillons uniquement en France, à l’exception du Luxembourg.

 

Comment est organisée la rédaction ?
JS : Notre rédaction est répartie sur l’Est de la France où nous disposons de 6 journalistes et rédacteurs, d’une traductrice/rédactrice bientôt de deux, de deux community managers et d’un vidéaste. Nous avons deux bureaux de rédaction, l’un à Strasbourg et l’autre à Nancy. En plus de cela d’un nombre relativement important de pigistes, correspondants, photographes, illustrateurs auxquels nous faisons appel fréquemment. J’associe aussi le reste de nos équipes, nos graphistes qui assurent aussi un travail de secrétariat de rédaction, nos diffuseurs et logisticiens qui mettent en place les magazines, nos webmasters qui nous permettent de prendre parole avec des outils digitaux, nos commerciaux comme notre service administratif sans qui cette aventure ne serait pas possible, au total 25 personnes.

 

Changement de nom, nouvelle mise en pages, nouvelles rubriques et nouveau site votre magazine Spectacles est devenu S-MAGS, pourquoi ce repositionnement ?
JS : Concernant SPECTACLES devenu S-MAGS, ce repositionnement n’est effectif qu’en Alsace et en Bourgogne-Franche-Conté depuis ce début d’année. Il est dû à la première question abordée, celle liée à notre capacité à affronter la crise. Nous avions en effet besoin de pouvoir exprimer plus largement la notion de sortie et de ne plus la cantonner à la culture ou à l’animation. Aujourd’hui, nombre de nos lecteurs ne voient plus de différences entre une sortie en famille dans un centre commercial ou dans un musée. On voit bien d’ailleurs que l’offre faite par les centres commerciaux tente une approche bien plus culturelle que par le passé, des centres villes sont recréés dans des espaces bordés de parkings avec jeux et animations à tous les étages ! À Strasbourg c’est particulièrement criant pour la Porte Nord, la Vigie voire même Roppenheim. Les centres-villes historiques deviennent des espaces d’errance ou l’on achète quelques babioles en mangeant des sandwichs américains. Nous n’avons que deux choix, affronter les moulins ou essayer d’adhérer à ces nouvelles pratiques. Dans tous les cas, un nouveau combat à déjà commencé puisque les plates-formes de ventes en ligne permettent d’aller plus loin encore dans cette incroyable expérience consumériste, comme le souhaite Meta par exemple. Offrant à chacun de découvrir un monde onirique et merveilleux sans bouger de chez soi, tout en dépensant tout son argent.

 

Début 2023, BKN a racheté le web magazine transfrontalier dédié aux arts de la scène Szenik. Quels sont vos objectifs et comment évoluera la synergie Poly / Szenik ?
JS : Le terme “rachat” est impropre, le président de SZENIK nous a contacté pour savoir si cela nous intéressait de sauver ce média. Il était sur des périmètres assez identiques à ceux du magazine POLY, des synergies étaient possibles et nous avons donc décidé de relever le défi.

 

Propos recueillis par Anka Wessang

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