« Je n’arrête pas de pleurer depuis ce matin, et pourtant je ne le connaissais même pas personnellement». C’est peu dire que la mort d’Arman Soldin, tué le 9 mai en Ukraine, a suscité une énorme émotion à l’Agence France-Presse, comme en témoigne par téléphone cette collègue parisienne plusieurs jours après le drame. Car si Arman, coordinateur vidéo de l’AFP à Kiev, était admiré pour son courage et sa compétence professionnelle, ce sont surtout ses qualités humaines qui suscitent des torrents de larmes au sein de l’agence.

 

« Avoir tué Arman, c’est un crime contre l’humanité. Arman était l’humanité à lui tout seul », a déclaré sa sœur Eva, citée par Ouest-France. Les photos du journaliste de 32 ans, largement diffusées sur les réseaux sociaux, le  montrent le sourire aux lèvres en reportage sur le front, comme cette fameuse image de lui avec un chat sur l’épaule malgré son équipement de protection, son casque sur la tête et la mention « PRESS ». Drôle, enthousiaste, dynamique, intelligent et cultivé, ce jeune homme doué pour la vie faisait l’unanimité autour de lui, jusqu’à ses talents de footballeur révélés au Stade Rennais.

 

« Je ne t’ai pas sorti de Bosnie pour que tu ailles te faire tuer en Ukraine », lui aurait dit sa mère. Son parcours de vie d’une guerre à l’autre ajoute au tragique du destin de ce natif de Sarajevo.

 

Arman Soldin est au moins le onzième reporter, fixeur ou chauffeur de journalistes à avoir été tué en Ukraine depuis l’invasion russe du 24 février 2022. L’AFP avait été jusqu’ici plutôt chanceuse : nous nous disions que nos séances de formation au reportage en milieu hostile nous mettaient à l’abri des coups du sort. Depuis la mort d’Arman près de Bakhmout, les reportages sont suspendus dans l’est du pays, mais ils reprendront, a promis l’agence. Comme pour continuer la mission d’Arman et faire en sorte qu’il ne soit pas mort pour rien.

 

Patrick Baert
Directeur – AFP Bureau de Strasbourg

patrick.baert@afp.com

 

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