La République de Turquie célèbre cette année son centenaire. Elle est née en octobre 1923 sur les cendres de l’Empire ottoman incarné par un sultan, lequel régna durant près de sept siècles de l’Europe centrale et balkanique au Yémen, du Maghreb au Caucase.

Faire un bilan de ce premier siècle de la République, c’est le travail des historiens.

Que dire alors?

Ce n’est un secret pour personne: la République en Turquie c’est d’abord et surtout Mustafa Kemal Atatürk, son fondateur. Notamment son apport du réformisme à l’occidentalisation. Il fut incontestablement l’un des hommes politique les plus prestigieux de la période d’entre les deux guerres mondiales.

Certains ont pu l’accuser, à tort, d’avoir imposé une dictature à la Turquie. C’est pourtant lui qui fut le cerveau mais aussi l’architecte-ingénieur de la transformation, de fond en comble, du pays par des réformes révolutionnaires pour son époque. L’adoption des nouveaux codes civil, criminel et commercial, l’abolition du califat et de la polygamie, la suppression des tribunaux religieux, écoles religieuses et des ordres religieux, le droit de vote et d’éligibilité des femmes dès 1934, pour ne citer que ces quelques exemples.

Atatürk était ouvert aux idées progressistes. Les positivistes et Jean-Jacques Rousseau étaient ses inspirateurs. Il a rejeté le modèle impérial au profit de celui de l’Etat-nation. Ce n’est donc pas par hasard si le laïcisme et le nationalisme sont les deux éléments essentiels du fondement de la République turque. Notons que le nationalisme d’Atatürk était plus linguistique que racial.

Ce qui est moins connu du grand public, aussi bien en Turquie qu’ailleurs, c’est que les idées libérales de la Révolution française ont constitué une base pour les pères fondateurs de la République de Turquie. Tout au long du 19ème siècle on assiste à de nombreux mouvements de la jeune élite ottomane vers l’Europe occidentale, notamment vers la France. Tout comme Mustafa Kemal, cette élite s’inspire du positivisme de Saint-Simon et d’Auguste Comte ou de la sociologie de Durkheim.

Mais c’est surtout à partir des années 1880, sous la Troisième République, avec les représentants à Paris du mouvement des Jeunes-Turcs que la transformation de l’Empire prend une tournure irréversible. Ce mouvement, si régénarateur à ses débuts, arrive à transformer l’Empire en un Etat constitutionnel. Cependant certains de ses dirigeants l’entraîne à faire des mauvais choix durant la Premiere Guerre mondiale en s’alliant notamment à l’Allemagne en 1914.

La défaite de l’Allemagne fut également celle de l’Empire. Pire encore, sa fin! Mustafa Kemal entame alors une Guerre d’indépendance soutenue par l’Union soviétique mais aussi la France qui, parmi les vainquers de la Grande Guerre, est le premier pays à prendre conscience de la portée de la révolution kémaliste. Par un pacte signé le 20 octobre 1921 Paris reconnaît de fait le gouvernement de Mustafa Kemal, et renonce ainsi au traité de Sèvres de 1920 qui prévoyait des reculs territoriaux en Anatolie.

Les temps changent. Tout change et changera encore inévitablement. La Turquie d’aujourd’hui n’est plus la Turquie de 1923. Certes. Ce qui est sûr, par contre, c’est qu’il y a eu, y a encore et y aura toujours un peu de France dans cette République turque.

 

Kayhan Karaca
Journaliste correspondant
karaca.kayhan@gmail.com

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