A Strasbourg, l’Allemagne est à portée de tram. Comme beaucoup d’autres, je l’ai découvert en posant mes valises dans la capitale alsacienne, de l’Europe, des droits de l’Homme (et de Noël, paraît-il). On franchit la frontière sur le Rhin sans même y penser ou plutôt, on s’amuse de ne plus avoir à y penser. La réconciliation entre les deux pays est devenue amitié. Lorsqu’ils se chamaillent, c’est pour mieux se réconcilier. Voici donc pour l’image idyllique de la concorde.

Les apparences, pourtant, sont parfois trompeuses. Depuis quelques années, les chemins divergent. Et les campagnes électorales menées de part et d’autre en sont la manifestation éclatante.

Qu’on en juge. En Allemagne, l’immigration n’a pas été un thème de la campagne pour la succession d’Angela Merkel. Au contraire, l’économie allemande s’est mise au service de l’intégration des nouveaux venus, syriens notamment, auxquels l’ex-chancelière avait ouvert grandes les portes de son pays. Son successeur, Olaf Scholz, est un social-démocrate à la tête d’une coalition inédite qui réunit, outre son parti, le SPD, les Verts et les Libéraux. Ces trois forces politiques ont fait de leurs différences une force. L’Allemagne, qui a tourné le dos au nucléaire après Fukushima, s’engage désormais à marche forcée sur le chemin des énergies renouvelables et prendra, n’en doutons pas, une avance considérable sur ce terrain. L’économie sociale de marché reste le fil directeur de la société allemande dont elle a assuré la prospérité.

En France, la campagne se focalise sur la « sécurité » et donc, pour la droite et l’extrême droite, sur l’immigration. Le concours de beauté entre Le Pen et Zemmour occupe le débat médiatique. La gauche s’est égarée dans un gloubi-boulga idéologique faute d’avoir su affirmer avec François Hollande son ancrage social-démocrate. La dette explose quand les taux d’intérêt menacent de remonter ce qui pourrait la rendre rapidement insoutenable. Le nucléaire, énergie polluante s’il en est, se voit soudainement paré de toutes les vertus. A gauche, on rase gratis à tous les étages, comme s’il suffisait de lancer des chiffres sur les estrades pour réduire les inégalités. Mais la question de la relance de notre industrie, à la peine depuis des décennies, est à peine abordée.

Tout ceci devrait nous interroger. Et puisque cet « édito » s’adresse à un Club de la presse et donc à des journalistes, je forme humblement le voeu que chacun d’entre nous s’empare de ces questions, au-delà de l’air du temps.

 

Hervé ASQUIN
Directeur du bureau de Strasbourg AFP
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