« Nous ne devons plus considérer notre sécurité comme acquise ».
Au début de cet été, à Schwielowsee, près de Berlin, le chancelier allemand Friedrich Merz a prononcé des mots qui ont résonné au-delà des murs du commandement opérationnel de la Bundeswehr.
Après des décennies de réticence militaire, Berlin a entamé son réarmement. L’Allemagne se repositionne comme acteur central de la défense européenne. Le contexte est sans ambiguïté : l’invasion de l’Ukraine, les provocations de la Russie et les exigences de l’OTAN ont conduit notre voisin à prendre ses responsabilités.
« Germany is back on Track » (« L’Allemagne est de retour ») avait déjà prévenu Friedrich Merz, quelques semaines avant son élection à la chancellerie. Ce slogan victorieux, en anglais, résonnait alors comme une réponse à l’offensive commerciale mondiale du président américain Donald Trump. « L’Allemagne s’acquittera de ses obligations en termes de défense. Elle est prête à renforcer sa propre compétitivité », a ensuite précisé Friedrich Merz, toujours en anglais, dans un message explicitement adressé de Washington.
Cet été, le « Back on Track » a confirmé ses allures martiales. Signe tangible de la fin de la frilosité stratégique, la coalition CDU-SPD a prévu de doubler le budget défense de l’Allemagne d’ici 2029. Un record, dans un pays où l’électorat de gauche reste attaché à une forme de pacifisme entretenue depuis la guerre froide. Le fabricant d’armements Rheinmetall, basé à Dusseldorf, a inauguré le 27 août la plus grande usine de munitions d’Europe, dans le land de Basse-Saxe. Les contrats d’armement comprennent des missiles antiaériens, des frégates, des sous-marins, des lunettes de vision nocturne, des camions.
Friedrich Merz, qui a envisagé cet été le retour au service militaire obligatoire, ne voudra pas se limiter à un réarmement national. Sa politique s’inscrit dans une logique européenne et transatlantique. Consultations récurrentes avec l’Elysée, projets militaires conjoints, renforcement de la coordination avec l’OTAN : Berlin assume son rôle de pilier stratégique, en soutien à ses alliés sur le flanc Est.
Entrepris dès le 25 mars, lors de l’installation du nouveau Bundestag, ce virage a évidemment provoqué des tensions. Au Bundestag, les Verts ont dénoncé un réarmement qui sacrifierait le climat. A l’extrême-droite, l’AfD s’oppose frontalement à toute politique pro-OTAN. Friedrich Merz persiste, convaincu que l’Europe ne peut plus compter sur une Amérique imprévisible ni tolérer la menace d’une Russie impériale.
Olivier Mirguet
Journaliste, correspondant Grand Est
La Tribune
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