Il fut un temps, pas si lointain, où les productions de l’intelligence artificielle générative faisaient sourire. Les mains avaient 4 doigts, les textes étaient maladroits, les voix robotiques évoquaient les annonces monotones d’une gare. Aujourd’hui, quelques mois plus tard, un simple prompt bien formulé suffit à générer une vidéo d’un réalisme troublant, un discours crédible mais entièrement fictif, une image qui défie la vérité. L’IA générative a franchi un seuil : celui de l’indiscernable.
Mais à quoi bon ce progrès technique, s’il ne fait que reproduire les biais du monde qui le nourrie ? Stéréotypes de genre, invisibilisation des minorités, domination culturelle : l’IA ne crée pas, elle amplifie. Elle ne comprend pas, elle calcule. Elle ne pense pas, elle prédit.
Et pourtant, elle nous est utile. Elle rédige, résume, illustre, code. Elle nous fait gagner du temps, nous rend plus efficaces, parfois même plus créatifs.
Mais à quel prix ? Car derrière cette course à la performance se cache un coût social et environnementale abyssal. L’entraînement de ces modèles nécessite des quantités astronomiques d’énergie et de données, souvent extraites sans consentement, dans des conditions opaques. 1 million d’images générées par jour représenterait 10 à 50 tonnes de CO₂ par jour, soit l’équivalent des émissions quotidiennes de plusieurs centaines de Français moyens.
Socialement, l’IA générative bouleverse les équilibres. Elle menace des métiers entiers – traducteurs, créateurs de contenus, graphistes – et renforce les inégalités entre ceux qui maîtrisent la technologie et ceux qui la subissent.
Au-delà des questionnements légitimes sur les risques en matière de droits d’auteur, de RGPD ou de la nécessité de mettre en place un cadre légal, ne faudrait-il pas plutôt s’interroger sur l’essence même de ce qu’est l’IA générative et de ce qu’elle dit de notre rapport au monde ? Pourquoi créons-nous ces outils ? Dans quel but ? Et surtout, à quel coût ?
La vraie question n’est-elle pas de savoir si l’IA générative constitue vraiment un progrès pour l’Humanité, sachant qu’elle ne permet de résoudre aucune crise existentielle, au sens littéral du terme ?
Choisir le monde dans lequel nous voulons vivre, c’est aussi choisir de renoncer. Voilà peut-être de quoi alimenter une prochaine épreuve de bac de philo…
Sandra Gauthier
Responsable Communication institutionnelle & relations presse
ÉS
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