Denis Rousseau est journaliste, il dirige le bureau d’Amérique centrale de l’AFPune quinzaine de personnes, basées dans sept pays (Salvador, Nicaragua, Belize, Honduras, Panama, Costa Rica et Guatemala).

Bien connu des Strasbourgeois, Denis Rousseau a été chef de la rédaction du bureau de l’AFP de Strasbourg et président du Club. Co-auteur avec Corinne Cumerlato de “L’île du Docteur castro – La transition confisquée” éd. Stock (après avoir été l’un et l’autre en poste à Cuba), nous lui devons notamment la remise du Prix du Club au dissident Raul Rivero.

 

Actuellement en poste au Panama, il a d’abord dirigé le bureau d’Amérique centrale de l’AFP depuis le Costa Rica, en 2018. Pays qui figure au Top 5 du classement RSF 2021.

A l’occasion du 3 mai, Journée mondiale pour la liberté de la presse, Denis Rousseau a accepté de répondre à nos questions.

 

Denis Rousseau, vous avez été en poste au Costa Rica, un pays qui figure en très bonne place dans le classement RSF 2021, une prouesse pour un pays d’Amérique centrale, comment l’avez-vous ressenti ?

Le Costa Rica est bien placé dans le classement car il possède une législation cohérente en termes de liberté de la presse. C’est la plus vieille démocratie d’Amérique centrale qui est évoluée et stable. Géopolitiquement le Costa Rica se situe sur le chemin du trafic de drogue et des migrants, le pays étant un couloir vers l’Amérique du Nord, mais la situation est bien gérée et la violence des gangs est assez peu présente. Il n’y a pas de cas d’assassinat de journalistes et la situation est plutôt favorable à l’exercice de la profession.

 

Aujourd’hui en poste au Panama, situé à la 77e place de ce classement 2021, quelles sont les différences marquantes que vous avez relevées avec le Costa Rica ?

Le Panama est mal classé en raison du cadre légal de la presse. Il existe une peine de prison pour les délits de diffamation de presse. Les journalistes vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il n’y a cependant pas eu de meurtre récent et les journalistes peuvent tout de même faire leur travail librement.

 

L’information est-elle accessible ? Quel intérêt porte la population à l’information ? 

Tous les groupes de presse en Amérique centrale produisent en version papier et numérique et ont souvent des radios et des chaînes de télévision. La presse est accessible sur Internet mais les journaux papiers sont encore très bien distribués et demandés car c’est un pays où les infrastructures internet sont mauvaises ce qui fait que la population reste attachée à la version papier.

En ce qui concerne l’intérêt à l’information, cela dépend de l’information : la presse est diversifiée, l’information est variée et les médias s’adaptent à leur public.

 

Le journalisme est-il une profession qui attire les étudiants au Panama ? Y a t-il des écoles de journalisme, des programmes d’Éducation aux médias à l’école ?

Le journalisme est une profession qui attire toujours, les formations sont privées en université d’Etat où l’enseignement privé côtoie le public. Les sciences humaines proposent des cursus partagés entre le public et le privé en communication et en journalisme.

Cependant il n’y a pas de programme d’Éducation aux médias dans les écoles.

 

Comment sont perçus les journalistes par la population ?

Les journalistes au Panama sont mieux perçus qu’en France, mais ils ne sont pas forcément bien payés, et ils ne sont pas considérés comme des stars, ce qui les rend plus proches de la population. Le prestige du journalisme est toujours là à cause de la corruption. Les journalistes sont vus comme des vecteurs essentiels pour pouvoir s’informer.

 

En France l’égalité homme/femme est au coeur des débats, également dans le domaine du journalisme, est-ce une préoccupation actuelle au Panama ?

L’égalité homme/femme dans les médias n’est pas une préoccupation au Panama.

 

En 2016, le pays est confronté au scandale des Panama Papers (rendus public par 400 journalistes de 100 médias). Comment ce sujet est-il traité par les médias panaméens ?

Le fait que le Panama soit considéré comme un paradis fiscal n’est pas traité par les médias. C’est évidemment su et sujet de discussions. Mais les panaméens n’aiment pas cette ingérence des journalistes étrangers. C’est vécu comme une agression et un dénigrement de leur pays.

 

Comme vous l’avez souligné, la législation au Panama autorise la poursuite des journalistes en cas de divulgation d’informations privées et des fuites d’informations gouvernementales, comment les journalistes font-ils face à la répression ?

Les journalistes prennent le risque mais il y a bien longtemps qu’il n’y a pas eu de problème à ce sujet.

 

En 2020, l’Amérique latine est le continent comptant le plus de journalistes tués, existe-t-il des protections pour les journalistes en Amérique centrale et notamment au Panama ?

Au Panama il n’y a pas de protection pour les journalistes et la menace légale plane. Concernant le Costa Rica, les journalistes ne sont pas menacés physiquement. Le triangle Honduras, Salvador et Guatemala n’a pas les moyens d’assurer une protection pour les journalistes.

 

Quelle est pour vous la grande figure du journalisme contemporain en Amérique centrale ?

Il existe beaucoup de journalistes talentueux, on peut se référer aux Prix Gabo (en hommage à Gabriel Garcia Marquez) décerné par la Fondation Gabo. Carlos Fernando Chamarro, journaliste nicaraguayen, exilé au Costa Rica, est pour moi une figure de courage pour la profession.

Le classement mondiale de la liberté de la presse RSF 2022 vient d’être publié : https://rsf.org/fr/classement

© Photos : La Nouvelle République

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