Je m’appelle Marwa Olleik. Je suis journaliste et créatrice de contenu, originaire de Yohmor Al Shaqif, un petit village du sud du Liban qui est contrôlé par les forces militaires d’Hezbollah.

Mon histoire débute au commencement de la révolution syrienne en 2011, quand j’avais 20 ans, lors de ma deuxième année d’étude de journalisme.

En 2012, après que Hezbollah a annoncé déployer des forces militaires en Syrie pour se battre au côté du régime Assad afin de mettre fin à la révolution Syrienne, je me suis beaucoup exprimée publiquement et sur les réseaux sociaux pour partager mes critiques du parti libanais Hezbollah et son implication dans le soutien du régime de Bashar Al-Assad, en vertu de la liberté d’expression qui est protégée par les droits libanais et internationaux.

Pour les personnes qui n’ont aucune idée ce que signifie la chute de la famille Al-Assad pour le peuple libanais, je le décrirais en un mot “JUSTICE”. En effet, ce régime a toujours pratiqué les pires formes de dictatures depuis qu’il a été fondé, à savoir : de l’oppression, des assassinats, de la torture, des enlèvements et déplacements contre les syriens et les libanais lors de son occupation au Liban. Pour nous, le soulèvement contre le régime de Beyrut en 2005 qui a mené à son expulsion du Liban n’était pas suffisant. Tout libanais a toujours rêvé du moment ou ce régime sombrerait. C’est ce rêve qui m’a réuni avec mes camarades syriens, mes amis et mes collègues qui ont osé sortir et manifester en 2011.

Quand Hezbollah a répandu sa propagande dans le sud du Liban comme quoi, il était nécessaire pour la jeunesse de s’enrôler comme combattants pour Hezbollah par devoir religieux, je me suis saisie de ma page Facebook et ai critiqué cette propagande idéologique, sans m’attendre un seul moment que quelques heures après ma publication, des militants de Hezbollah se rassembleraient, armés, devant ma maison pour menacer ma famille et moi à cause de ce que j’avais publié, clamant que j’avais offensé les sites religieux qu’ils défendaient en Syrie. Ils ont commencé par jeter des pierres sur notre maison et ont voulu la réduire en cendre en y mettant le feu, ils ont essayé de nous agresser physiquement moi, et tous les membres de ma famille, dans le but de nous réduire au silence et nous faire servir d’exemple auprès des habitants du village sur les conséquences subient par ceux osant critiquer Hezbollah. Et, je me dois de mentionner qu’à ce moment, j’étais la première personne dans toute la région qui ai osé critiquer la propagande de Hezbollah.

Par chance, notre maison n’a pas été entièrement détruite par le feu. Quelques jours plus tard, ils ont ciblé l’entreprise de mon père et l’ont totalement détruite dans le but de nous priver de notre seule sécurité financière, ce qui a ensuite entraîné la perte de notre moyen de subsistance. Ma famille et moi avons été forcés de fuir le sud du Liban pour nous rendre à la capitale, Beyrouth.

En outre, Hezbollah a lancé des campagnes de diffamation massives à mon sujet sur les réseaux sociaux, dans lesquelles ils nous décrivaient avec des mots atroces, dans le but de nous massacrer moralement, moi et ma famille. Nous avons été diabolisés et déshumanisés, et

ils ont même essayé de créer des charges légales à l’encontre de mon frère pour le faire emprisonner.

J’ai commencé ma carrière de journaliste à Beyrouth mes articles étaient publiés sur différents sites d’actualités libanais et régionaux. En raison de la couverture médiatique suivant les attaques de Hezbollah contre moi et ma famille, j’ai acquis une notoriété dans les milieux médiatiques à travers le pays. En juin 2014, le mouvement Amal, affilié à Hezbollah, m’a empêché et a refusé que je poursuive mes études à l’université libanaise, ce, en réponse à mes positions politiques contre Hezbollah et ses alliés de l’Iran à l’Iraq et de la Syrie, et l’attention générale que cela a attiré. Quand j’ai essayé de récupérer mes comptes-rendus afin de les transmettre à une autre université, l’administration de l’université libanaise me l’a refusé. Je n’ai donc pas pu être transférée et ai été forcé d’interrompre mes études..

Je me suis alors dévouée à écrire pour des journaux indépendants. Écrire m’a beaucoup aidé à surpasser la peur et le trauma de ce que j’avais vécu, je rencontrais une renommée et un soutien grandissant à chaque article dans lequel je libérais ma colère, mes pensées et opinions. Cela m’a également amené à m’impliquer et m’adapter plus rapidement dans la société de Beyrouth. Écrire m’a aussi permis de rencontrer les journalistes et les personnalités les plus éminentes dans le pays, m’amenant à refuser des offres, par exemple l’une pour emménager et écrire en Belgique ou encore d’autres de la Suisse ou la Suède. J’étais dans le début de ma vingtaine et pour la première fois, je me sentais comme part de mon pays, écrire m’a donné l’opportunité d’être un élément efficace et force de changement au sein de la société. Et ce, particulièrement avec le début des manifestations à Beyrouth contre le régime libanais en 2015, quand les rues de la ville ont été couvertes de déchets en raison de la corruption de l’État ainsi que les manifestations qui ont eu lieu en 2017,puis la révolution libanaise qui a commencé le 17 octobre 2019.

Jusqu’en 2016, suite à l’un de mes écrit qui a provoqué un autre parti affilié à Hezbollah appelé “le parti nationaliste Syrien” et, comme si l’histoire se répétait quatre ans après mes traumas, j’ai commencé à recevoir des menaces de morts chez moi, à mon travail et même dans des bars que je fréquentais. J’ai réalisé que j’avais perdu le pays où j’avais grandi et la ville qui me donnait un semblant de sécurité, dans laquelle j’avais pu former ma personnalité et ma carrière. Et avant tout, je ne souhaitais pas garder ma famille dans ce cercle incessant de danger et d’insécurité. J’ai donc décidé de déménager à Istanbul, en Turquie où j’ai vécu pendant 8 ans, puis j’ai emménagé à Strasbourg il y a un mois.

Marwa Olleik
olleikmarwaa@gmail.com

Traduit de l’anglais.

La Ville de Strasbourg accueille la journaliste libanaise Marwa Olleik dans le cadre du Réseau international des villes refuges (ICORN). Partenaire de ce dispositif, le Club de la presse est ravi d’ouvrir ses portes et son réseau à la journaliste.

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