Radio France sort le 29 novembre une série originale intitulée ”Le retour du loup, l’enquête”, proposée et réalisée par Olivier Vogel et Pascal Doumange, journaliste et chef opérateur du son à France Bleu Alsace. Habitués ensemble des documentaires radio (Le Struthof, La Ligne Maginot, La Boule de Noël de Meisenthal…), ils signent leur premier podcast.

 

 

 

Un podcast sur le loup… quelles sont les origines du sujet ?

 

Olivier Vogel : “Les origines, ce sont les reportages que France Bleu Alsace a pu faire au moment du retour du loup, ici en Alsace, et en particulier dans la vallée de la Bruche, où le loup est revenu en 2019. Plusieurs troupeaux ont été attaqués. Ça a suscité pas mal d’émotion du côté des éleveurs et des bergers et c’est à partir de ce moment là que je me suis intéressé au retour du loup en France..

 

Ce podcast vous a conduit à travers la France et l’Europe.

 

Oui, notamment dans le parc national italien des Abruzzes, parce qu’un groupe de travail s’est constitué autour du loup, dans la vallée de la Bruche, autour du maire de la commune de Ranrupt, qui était concernée par les attaques. Ce « groupe loup », constitué d’agriculteurs, de spécialistes, d’éthologue et d’élus, s’est demandé comment ça se passe ailleurs, et notamment dans les Abruzzes, parce qu’on a souvent entendu dire que la coexistence entre les loups et les éleveurs est plutôt apaisée là bas, puisque les loups n’ont jamais disparu dans ce secteur d’Italie. Et l’autre chose qui est intéressante, c’est que tous les loups qui repeuplent les massifs français sont originaires de ces meutes des Abruzzes. .

 

On s’est aussi intéressé à la région du Marchairuz, dans le Jura suisse, où deux meutes sont installées depuis très peu de temps. Et les éleveurs, principalement des éleveurs de bovins, font face eux aussi à des attaques de loups, sur des veaux principalement. Ils sont en plein questionnement. Ils ne sont pas habitués à la proximité du loup et ils essaient de trouver des solutions avec des spécialistes pour vivre au plus près des loups et en protégeant leur troupeau,

 

Quels spécialistes avez-vous rencontrés ?

 

Des éthologues comme Jean-Marc Landry, l’éthologue suisse, spécialiste du loup. Il travaille beaucoup avec les éleveurs pour tenter de trouver des solutions pour protéger les troupeaux. Il utilise notamment des caméras thermiques où il a filmé des attaques nocturnes de loups sur des troupeaux. Et on voit qu’il y a vraiment des interactions intéressantes entre les loups et les troupeaux. Il y a même des images où on voit des loups passer à côté des troupeaux sans les attaquer. Il a appris beaucoup de choses grâce à ces images thermiques.

 

On a aussi vu le réalisateur du film Marche Avec les loups et de La Vallée des loups, qui sont des films documentaires, Jean-Michel Bertrand, qui, lui, est basé dans les Hautes Alpes.

 

On a rencontré des éleveurs, évidemment, parce qu’on voulait leur donner la parole. Ce sont les premiers concernés par le retour du loup. Et c’est vrai que c’est brutal de retrouver ses troupeaux parfois agonisants parce que toutes les bêtes ne sont pas forcément tuées. On a voulu entendre quelles sont leurs préoccupations, parce que ça bouleverse complètement le travail des éleveurs. On ne peut plus continuer comme on l’a fait quand ces prédateurs n’étaient pas présents.

 

On a rencontré aussi Michel Pastoureau, qui est un historien spécialiste du « bestiaire central », un petit groupe d’animaux qu’on retrouve à travers les âges, l’ours, le corbeau et bien-sûr le loup. Avec lui, on s’est intéressé à toutes ces légendes, ces mythes, ces contes sur le loup.

 

Pascal Doumange, les loups, on les entend dans le podcast.

 

Oui, le principe, c’était de pouvoir les entendre, de les enregistrer en situation. Pour ça, on a été à Rhodes, au parc de Sainte-Croix. On a eu la chance de pouvoir enregistrer à la période du Covid, c’est à dire qu’il n’y avait personne, on était seuls. En ce qui me concerne, ça a été un moment de grande émotion, parce qu’entendre des loups, ce n’est pas donné. Mais mon grand regret, c’est qu’on n’a pas pu les entendre dans la nature. Cela dit, il y avait plusieurs meutes, ça reste quand même très, très intéressant à enregistrer.

 

Ça s’est passé comment ? Une nuit entière de guet ?

 

Ça a été assez épique parce que ces loups, avant de hurler et de nous faire plaisir, il a fallu les attendre très longtemps et la meute qui était juste derrière nous a hurlé pas très, très longtemps d’ailleurs, à 1 heure 35 du matin… Le danger, c’était de les louper, de se dire « bon, ils crieront pas, ils hurleront pas, donc j’arrête l’enregistrement.. » On a été très patients et on a été récompensés.

 

Vous avez composé aussi la musique puisqu’un podcast, c’est également un environnement sonore.

 

Oui, j’ai composé la musique de ce podcast et les jingles, mais en même temps, c’était presque normal parce qu’avec Olivier, on a signé quand même pas mal de documentaires, et à chaque fois, il s’est trouvé que je signais la musique. Donc là, il s’est trouvé naturel que je compose la musique pour ce podcast. Et puis j’y tenais parce que le loup, c’est quand même un animal hyper attachant, intéressant.

 

Vous êtes habitués des documentaires ensemble. Ici, on parle de podcast, de série originale. C’est quoi la différence ?

 

Pascal : Du point de vue sonore et enregistrement, j’ai senti aucune différence. La manière dont on a enregistré, c’est une manière habituelle chez nous. On avait décidé de toute façon d’enregistrer les gens in situ parce que c’était beaucoup plus intéressant. Donc, il y a une espèce de mise en situation : faire marcher les gens dans la forêt, les faire se déplacer, que ce soit en mouvement, toujours, ou dans des endroits qui ont un aspect sonore particulier pour que l’auditeur soit complètement immergé dans l’ambiance.

 

Olivier : La grosse différence, c’est au niveau de la construction, parce que le podcast, on emmène l’auditeur, on le « prend par l’oreille » pour lui raconter des histoires. Donc, il a fallu construire ces histoires. Il y a cinq épisodes d’une vingtaine de minutes chacun. C’est vraiment quelque chose de complètement différent au niveau de l’écriture, au niveau du ton aussi. Moi, j’ai passé pas mal d’heures à essayer de trouver le juste ton, la narration. C’était très compliqué parce qu’il ne faut pas que ce soit un ton journalistique. Il faut que ça soit presque de l’ordre de la confidence. On s’adresse à un auditeur et puis on essaye de le tenir en haleine. Il y a une espèce d’éléments de suspense, qui est intéressant, pour inciter l’auditeur aussi à avoir envie d’écouter toute la série de A à Z.

 

Qu’est ce que vous avez appris l’un et l’autre de ce loup, de ce personnage?

 

Olivier : Une confirmation, déjà : tout le monde nous a dit “c’est très difficile de voir un loup” et effectivement, on confirme, on n’a pas vu le loup, et pourtant, on a tout testé ! La caméra thermique de nuit… On s’est levé à 4 heures du matin, on a vu des lapins, des vaches, mais on n’a jamais vu les loups et on était sur le territoire d’une meute ! Donc, le loup est un animal fantomatique, ça été vraiment la confirmation.

 

Moi, j’étais vraiment très surpris en travaillant en particulier sur un épisode qui est consacré à toutes les colères que le retour du loup peut susciter dans le monde agricole. J’ai été surpris par le degré de violence sur les réseaux dits sociaux de certains opposants au loup qui sont vraiment vent debout avec des arguments… où ils conseillent aux autres éleveurs d’empoisonner le loup… Ce sont des choses très haineuses. C’est quelque chose qui m’a vraiment surpris de cette violence, alors que le loup revient de manière naturelle. Il fait partie du sauvage, dans un contexte en plus où on regrette tous les jours la disparition de nombreuses espèces animales.

 

On n’a pas voulu non plus être fascinés par le loup. On n’est pas dans la fascination. Nous, on trouve ça effectivement intéressant sur le plan du retour du sauvage et de la nature que le loup puisse revenir ici. Et puis il a son vrai rôle de régulateur dans la forêt. Mais on n’a pas voulu non plus nier la difficulté que ça peut représenter pour les éleveurs. C’est une remise en question totale de la façon de pratiquer leur métier aujourd’hui.

 

Pascal : Ce que j’en retire, c’est une envie folle d’y retourner et enfin de pouvoir les enregistrer en pleine forêt et de pouvoir les rencontrer. Parce qu’effectivement c’est très compliqué, même dans les Abruzzes, on n’a pas réussi non plus. On s’était levé très tôt le matin, on espérait. Avec Jean-Michel Landry, on s’est dit cette fois ci, on va y arriver. Et bien, il s’est fait attendre et il est resté invisible. Et peut être finalement que c’est tant mieux.

 

  • « Le retour du loup, l’enquête », une série originale de France Bleu, à retrouver DÈS LE 29 NOVEMBRE sur l’application Radio France et sur francebleu.fr.

Propos recueillis par Blandine Costentin, Radio France

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